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10 janvier 2010 7 10 /01 /janvier /2010 14:08

D'après Eric Woerth, la guerre engagée contre les fraudeurs fiscaux en Suisse s'est soldée par un « succès considérable ». Au vu des résultats obtenus, il semble plutôt que l'on ait tout juste évité le flop.

Lorsque le ministre du Budget a indiqué, le 30 août dernier, qu'il disposait de 3000 noms de Français ayant fraudé le fisc grâce aux institutions financières suisses, on ne pouvait que s'en réjouir. Enfin la France se lançait dans une politique visant à effrayer les fraudeurs. Quatre mois plus tard, un peu moins de 3000 personnes se sont manifestées, déclarant de l'ordre de 3 milliards d'actifs et permettant à l'Etat de récupérer environ 500 millions d'euros d'impôts.

Comment juger si ce résultat est satisfaisant ou pas ? Il y a trois façons.

On peut le comparer aux 95 milliards d'euros déclarés par les Italiens auxquels une amnistie fiscale avait été offerte. Suite à l'amnistie, 98 % des actifs a été rapatrié en Italie, dont les 80% en provenance de Suisse (le reste venant de Monaco, du Luxembourg et de San Marino), et 5 milliards d'impôts récupérés. Mais la situation n'est pas comparable. Il ne s'agissait pas pour l'Etat français de remercier les fraudeurs en leur offrant quasi gracieusement (une pénalité de 5 %) de rapatrier leurs capitaux. La France, contrairement à l'Italie, n'est pas adepte de l'amnistie, et c'est tant mieux.

Une comparaison plus pertinente est celle avec l'attaque des Etats-Unis contre la banque UBS. Lorsque le fisc américain avait fait savoir que l'UBS s'était engagée à lui transmettre une liste de 4450 noms, près de 15 000 Américains sont venus se dénoncer spontanément ! Toute proportion gardée, on en est loin dans le cas français : visiblement les fraudeurs français ont eu moins peur de leur gouvernement. Pour cause : depuis l'annonce Eric Woerth était peu intervenu dans les médias sur ce sujet, le gouvernement français n'avait pas été uni - Christine Lagarde s'étant montrée défavorable à une politique agressive vis-à-vis des fraudeurs -, tandis que le président de la République, répétant à tout va que « les paradis fiscaux, c'est fini », donnait surtout l'impression qu'il n'ira pas plus loin. Le fisc américain a contribué à médiatiser quelques gros dossiers, Doug Shulman, le patron de l'Internal Revenue Service, s'agitait devant les caméras tandis que des « fuites » de l'entourage d'Obama laissaient entendre que le Président continuerait à suivre le dossier. C'est tout ce qui a manqué à la France.

Enfin, au moment où Eric Woerth a annoncé sa liste, des estimations sont apparues laissant entendre qu'il y avait environ un demi-million de comptes français en Suisse pour plusieurs centaines de milliards d'actifs. Ces estimations sont fragiles car le domaine opaque par sa nature. Néanmoins, toutes les études disponibles montrent que l'économie suisse tire beaucoup de bénéfices de l'argent français qui s'y cache, et cela depuis longtemps. Peut-on alors se glorifier d'une politique qui ramène moins de 1 % des fraudeurs à la raison ? On est plutôt face à une action qui, intéressante dans son principe, a été mal menée et a produit un résultat décevant.


christian Chavagneux - Altertatives économiques - 6.1.2010
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